La citadelle de Bam en Iran est la plus grande structure en adobe du monde, datant d’au moins 500 avant JC.
Les minéraux argileux sont l’une des premières ressources naturelles utilisées par l’espèce humaine. Ils ont accompagné le développement de nombreux domaines : habitat, outillage, art, communication, santé, hygiène, matériaux.
Un mélange d’argile, de sables et de paille hachée, nommé (adobe) fait ainsi partie des premiers matériaux de construction et est toujours utilisé dans le monde entier.
Les argiles ont aussi largement contribué à l’essor de la communication. Les Sumériens, Babyloniens, Assyriens et Hittites ont dès 4000 ans av. J.-C. gravé leurs sceaux dans des tablettes d’argiles à l’aide d’un roseau taillé en pointe et ont aussi constitué le premier support de l’écriture cunéiforme, support recyclable. Séchées à l’air ou au soleil, ces tablettes non cuites restaient fragiles ; un simple trempage dans l’eau permettait de les réutiliser.
En revanche, après cuisson dans un four, elles pouvaient être conservées, donnant ainsi naissance aux premières bibliothèques.
Leurs propriétés absorbantes en font également des matériaux de choix dans le domaine de la santé, sous forme de cataplasmes, dans des pansements à usage externe, ou encore en tant que pansement gastrique.
Les argiles rentrent également dans la composition de nombreux produits cosmétiques (savons, masque de beauté, produits de maquillage) ou sont appliquées directement comme dans le cas du ghassoul. Le ghassoul, absorbe les corps gras ; les autres argiles peuvent contribuer à l’hydratation de la peau, sa purification, sa reminéralisation. L’action de l’argile peut aussi être antiseptique et cicatrisante.
La structure des minéraux argileux
Les minéraux argileux sont présents depuis des millénaires dans l’histoire humaine, mais leur structure n’a été ou comprise que dans les années 1920 après l’invention des techniques de diffraction des rayons X.
La notion d’« argiles » est utilisée pour nommer toutes les particules minérales qui font moins de deux micromètres. Cette taille est de l’ordre de la résolution du microscope optique.
Les cristaux de minéraux argileux sont donc très petits, et pour examiner en détail leur structure, il a fallu attendre le développement d’équipements ayant une résolution plus importante. Il se trouve que la longueur des rayons X est de la même échelle que les distances entre les atomes dans les cristaux. Suite à la découverte du phénomène de la diffraction des rayons X et de la relation entre la longueur d’onde des rayons X et la distance entre les atomes, il est donc devenu possible d’étudier la structure cristalline, y compris celle des minéraux argileux.
En 1927, le scientifique français Charles Maugin détermina avec une précision exacte la taille de mailles cristallines des micas et leur composition chimique. Puis en 1930 le célèbre chimiste Linus Pauling fut le premier à résoudre les structures des minéraux argileux : talc, pyrophyllite, muscovite et chlorite.
La grande variété des minéraux argileux provient de la possibilité de combiner ces éléments de plusieurs façons bien définies via notamment des substitutions d’un élément par un autre au sein d’un feuillet. Ceci en revanche va conférer des propriétés particulières et bien différentes en fonction de la quantité et la position des substitutions dans la structure des minéraux argileux. Différents autres éléments tels que le sodium, le potassium ou encore le calcium peuvent également se trouver entre les feuillets.
Mimer la nature : synthèse des minéraux argileux dans le laboratoire
Présentes sur la quasi-totalité de la surface de la Terre, les argiles ont des compositions et propriétés dépendantes des conditions géologiques dans lesquelles elles se sont formées. Pour une même argile, des caractéristiques très diverses à la fois en matière de compositions chimiques, coloration, cristallinité, nature des phases associées peuvent être observées en fonction de la nature du gisement.
Ces hétérogénéités peuvent être un frein pour certaines applications industrielles dans lesquelles il est nécessaire d’utiliser des composés purs. Des recherches ont ainsi été initiées afin de synthétiser ces matériaux, qui dans les conditions géologiques, mettent plusieurs millions d’années à se former.
L’histoire de la synthèse de talc illustre à la fois la manière dont les chercheurs ont réussi à préparer un talc pur et l’évolution des méthodes de préparation via des méthodes de plus en plus douces.
Alors que les premiers essais de synthèse ont été faits à des températures voisines de 1000 °C et des pressions allant jusqu’à 2800 bars et pour des durées de cristallisation de quelques jours, il est aujourd’hui possible d’obtenir des talcs en quelques dizaines de secondes par un procédé continu en eau supercritique – les propriétés de l’eau en état supercritique (au-delà de 374 °C et 218 bar) sont intermédiaires entre celles de l’état gazeux et liquide.
Hormis le talc, d’autres minéraux argileux ont à présent des analogues synthétiques. Les méthodes de préparation permettent outre la maîtrise de la composition chimique, la modulation de la longueur des feuillets, ouvrant ainsi la voie à de nouvelles applications.
Parmi les dernières voies de synthèse mises au point, figure également la voie sol-gel permettant de former, à température et pression ambiante et en une seule étape, des composés de type talc comportant des groupements fonctionnels, évitant ainsi les traitements post-synthèse nécessaires pour conférer certaines propriétés aux matériaux.
Les minéraux argileux, matériaux durables pour le futur
Les argiles employées depuis des millénaires sont des matériaux versatiles. Les développements actuels dans le domaine de l’environnement (piégeage de polluants organiques et minéraux, catalyse…) de matériaux multifonctionnels tels les composites polymères argiles permettant par exemple de conférer des propriétés anti-feu.
Les systèmes de relargage contrôlé de molécules d’intérêt sous l’action d’une modification de pH, de la lumière ou d’un champ magnétique ouvrent la voie à de nouvelles applications dans le futur et ce notamment dans les applications biomédicales.
Elles connaissent également un regain d’intérêt dans le domaine de la construction avec notamment, le renouveau des techniques de construction en terre crue, apportant des propriétés thermiques et acoustiques tout en n’engendrant pas d’émission de Composés Organiques Volatils (COV), caractéristiques importantes à la fois dans la conception d’habitations répondant à la certification HQE (Haute Qualité Energétique) et la réduction de la pollution de l’air intérieur.
Enfin, la possibilité de préparer des argiles de composition chimique bien définie, par des voies de synthèse respectueusement de l’environnement élargit encore l’éventail d’applications.